Un entretien très particulier... [L'Ombre/Bella]

La tête haute, les genoux tremblants, elle s'avançait dans la noirceur de la nuit, yeux fermés, sondant les environs avec son esprit pour les trouver. Ils étaient non loin, et ils attendaient. Déjà...

Alors que Bella lisait paisiblement, accoudée sur un confortable oreiller, elle entendit la sonnerie soudaine du téléphone. Distraitement, les yeux rivés sur le passage fort intéressant, elle répondit d'un air absent "Bonjour, qui est à l'appareil" ...
La voix semblait être modifiée par je ne sais qu'elle instrument, le numéro injoignable et le combiné irrepérable. Digne d'un enquêteur. Le soprano aigu de la voix la fit frissonner et ses paroles tranchantes résonnèrent encore et encore à ses oreilles. "Ici l'Ombre. Je vous donne rendez-vous. Demain, 3hoo à l'ancien théâtre de la ville. Venez seule. Ou on le saura. Et surtout, montrez-vous."
Puis "clic", l'interlocuteur raccrocha, laissant Isabella dans une stupéfaction foudroyante. Elle cligna des yeux une fois. Deux fois, mais rien. Elle ne rêvait pas -elle ne rêverait jamais-. L'Ombre lui avait donné rendez-vous à l'autre bout de ville, et elle devait se pointer seule, sans défense, avec seul moyen de communication un BlackBerry. Wow ! Que humour. Cela devait être une quelconque souhaitant faire peur aux citoyens naïfs. Mais...Toute cette mise en scène, pour un coup de fil? Non... La vampire avait bien rendez-vous avec l'Ombre. Elle baissa la tête, impuissante.
Puis petit à petit, un sourire malicieux vint se dessiner sur ses fines lèvres. Elle devait s'y présenter. Peu importe, elle devait y aller. Et en plus, que pourrait-il lui arriver, elle était immortelle !
Partant d'un fou rire machiavélique qu'elle ne reconnut pas chez elle, Bella commença à chercher la tenue adéquate.

Pas à pas, elle avançait vers ce monument en ruine qui avait l'air de dater du XIV ème siècle. Autour d'elle, seul le bruit des feuilles craquant sous ses semelles, le vent faisant trembloter les feuilles et la faible lumière que projetait la Lune, cette lumière argentée qu'elle adorait tant. Une nuit d'été particulièrement chaude. Humide, nulle. Habillée le plus simplement possible, ne tenant rien à la main, elle se sentait légère. Trop légère, comme si...comme s'il lui manquait quelque chose.
Puis quelques instants plus tard, elle put apercevoir l'ancien théâtre et d'une démarche encore plus hésitante, elle franchit le seuil de la porte, le sourire aux lèvres, impatiente de s'entretenir avec cette Ombre...

Lorsque je raccrochai je me fis la remarque tout haut : "Mon cher tu es trop théâtral !" Puis je partis d'un rire discret pour en pas réveiller Lamalas qui avait bu trop d'alcool et qui somnolait bruyamment. Je m'adressai aux commandants de l'Alliance : "Mes amis je vais devoir m'absenter demain..." Ils ne comprirent point ce que je voulais dire et je ne leur expliquai pas puisqu'il m'auraient pris pour un traître si je parlai à une sorcière, même une vampire...

J'avais aménagé deux gros fauteuils en velours pour que l'interview se passe au mieux. A mes côtés se trouvaient Lily-Ann Darky ainsi que deux Elfes de Maison qui avaient tenu à me suivre. Le théâtre était vieux et on pouvait sentir le relent âcre du moisi qui agressait l'odorat. Nous attendions dans un silence complet l'arrivée de la journaliste.

Un craquement puis le bruit d'un grincement de porte. "Bonsoir Mlle. Bones ! Avez-vous fait bon voyage ?" Je ne lui laissai pas la temps de répondre, c'était une simple formalité. "Lily-Ann m'a prévenu que vous étiez une vampire, donc évitez d'user de vos pouvoirs, nous sommes plus armés que vous ne le pensez..." En effet, grâce à Lily-Ann et aux deux Elfes de Maison, aucun mauvais coup ne pouvait m'atteindre, en théorie. Tout le monde dénigrait les Elfe de Maison, je ne sais pourquoi. Pour ma part, ces créatures étaient merveilleuses et recelaient un énorme potentiel magique. Je me demande d'ailleurs pourquoi ont-ils été soumis aux sorciers alors qu'ils étaient plus puissants... Je m'égarais à penser, toujours la même rengaine... Je me ressaisit et dit d'une voix claire : "première question..."

C'en était trop ! Tordant ! Je n'avais pas réussi à réprimer mon rire et je devais sans doute exaspérer Isabella Bones, la rédactrice en chef. Je lui indiquai mes intentions de plein gré : "Cet entretien a lieu uniquement parce que j'en ai décidé ainsi. Je me suis dis que le Ministère et l'Ordre devaient se demander quelles étaient nos raisons, quels étaient nos mœurs. Et je ne pense pas m'exposer étant donné que l'Alliance des Opprimés est maître du monde des sorciers..." A ces mots je lui adressai un sourire carnassier.

Un corbeau se fit entendre au loin. Je jetai un coup d'œil aux alentours pour examiner cet endroit hideux. Je ne laisserai plus les Elfes de maison décider nos lieux de rendez-vous ; visiblement je n'avais pas la même conception du lieux "théâtral" qu'eux... Pour moi, c'était un entrepôt désaffecté, un cimetière etc... Pour eux le théâtral doit se passer dans un théâtre, évidemment. Une planche de bois infestée de mites pendait misérablement au dessus-de nos têtes. "Question suivante."

Bella ne détourna pas la tête lorsqu'un bruit aigu se fit entendre non loin d'eux, elle s'en foutait. Elle voulait seulement savoir. Tout savoir. Elle cligna des yeux pendant quelques secondes, puis se ressaisit et sortit de son sac en soie un calepin magique. La plume tenait en équilibre sur le papier blanc et l'entrevue commença.

-Eh bien... Je veux, en effet, savoir pourquoi vous vous en prenez aux humains, ne croyez-vous pas qu'une façon plus disons... pacifique de régler vos conflits interpersonnels avec nous serait une meilleure façon d'interagir, bon sang ??!!

Elle s'était mise à crier presque car la rage qu'elle contenait, elle n'en pouvait plus de la retenir et se défoula sans peur sur cet ignoble personnage. Puis elle se demanda un instant ce qu'elle faisait dans la même pièce hideuse, respirer le même air que cette personne sadique lui parut un moment malsain, mais ses instincts de journalistes prirent le dessus et elle écouta avec pertinence la réponse de l'Ombre tandis que l'encre rouge sang de sa plume parcourait le cahier sans laisser échapper un mot de ce qu'il disait...

Mes parents m'avaient toujours inculqués la politesse et le savoir-vivre comme une famille de petite bourgeoisie se devait de maîtriser et d'user à la perfection. C'est pourquoi je lui répondis d'un ton affable et poli : "Ma dame, ne croyez-vous pas que la violence ne résout rien ? Pourtant vous vous en prenez à ma personne alors que je n'ai nulle animosité envers vous. Je dois reconnaître que vous êtes ravissante même dans cette pénombre. Pour vous répondre, je pense que Lord Voldemort était bien plus cruel que nous le sommes car notre combat est juste : nous nous insurgeons contre l'oppression des sorciers." Je la regardai droit dans les yeux et j'étais franc. Je crois avoir vu pendant une fraction de seconde qu'elle me comprenait mais elle ne le laissa pas paraître. Je lui demandai une question supplémentaire avec toute la politesse que je pouvais. Honnêtement je dois être un drôle d'homme à tuer des gens un jour pour discuter agréablement, courtoisement avec eux le lendemain...

Cela faisait maintes années que je n'avais pas vu de visage féminin. Celui d'Isabella était fin et gracieux et je ne pouvais qu'admirer son teint ivoire que j'affectionnai tant... Sa réponse ne me surprit point et je luis répondis avec franchise - ce que je ne pouvais que faire devant cette beauté éclatante - à mon interlocutrice : "Eh bien voyez-vous, gente dame, je ne peux prétendre à être le commandant de l'Alliance des Opprimés et je ne souhaite pas l'être. Je ne suis qu'une personne rongée par la solitude et le désespoir qui ranima la flamme à ces pauvres créatures magiques. Je ne peux prétendre qu'à être celui qui aida les bons à briser les chaînes de la souffrance et de la peur. Je ne peux prétendre qu'à viser un destin juste pour ceux qui le méritent !" J'avais presque crié tant j'étais emporté. "Je vous pose à mon tour une question, pensez-vous vraiment être du bon côté ? Pensez-vous vraiment que vous défendez le bien ? Pensez-vous vraiment que la justice appliqué par les vôtres est juste ? Je vous le demande ma chère..."

Je la rassurai et lui dit : "Vous savez au fond de vous que j'ai raison, que notre cause est plus juste Isabella. Mais je sais aussi que rien ne vous fera changer d'avis puisque vous êtes une femme d'honneur." Je me rassit sur mon siège et je lui proposai du thé. Elle accepta mais sans grande conviction. Je fis apparaître trois tasses, pour Lily-Ann, Isabella et moi. Les deux elfes ne voulaient rien prendre, ils continuaient à nous fixer, immobiles, tels deux statues de marbre. Kilin et Foggy s'étaient jurés, de plein gré, de me protéger jusqu'à la mort depuis que je les avais secourus depuis la bataille pour la possession d'Azkaban, prison d'où personne n'en réchappait et aujourd'hui, forteresse sombre de L'Alliance des Opprimés, mon chez moi... Pendant que je sirotait ma boisson aux fruits rouges - mon parfum préféré - la demi-vampire se remettait de ses émotions et faisait tourner machinalement sa cuiller en argent tout en ne buvant pas la boisson. Au début je pensais que le thé était brûlant mais maintenant en y réfléchissant je crois simplement que les vampires n'aiment pas ce genre de boisson. Je lui annonçai quand elle était redevenue sure d'elle : "Voulez-vous d'autres questions afin d'approfondir votre article ?" Sans le vouloir j'avais parlé avec douceur.

Je la regardai se reprendre petit à petit et elle me posa une question. Je réfléchis longuement à ce qu'elle venait de me dire car je n'y avais pas du tout pensé. Mes yeux s'arrêtèrent sur la planche branlante du dessus et je m'imaginai que le monde des Sorciers était comme ce vieux morceau de bois : instable, en danger, constamment attaqué par des parasites qui finiront - tôt ou tard - à l'emporter. Je lui répondis avec vérité que leur monde connaîtrait bientôt de vrais combats ou l'Alliance se battrait avec courage et avec l'ardeur de ceux qui désirent ardemment se venger. Puis elle me demanda soudain : "Qui êtes-vous ?" Je fus ravis d'entendre ce que j'avais espéré depuis le début de cette interview mais je me contenais et lui demandai : "Pourquoi cette question ma chère Isabella ?"

"Etes-vous aussi frêle que vous le laissez paraître Miss. Bones ?! En vous ralliant à des tortionnaires sans coeur voila ce que vous êtes devenue..." Je la laissai faire volte-face puis je déclarai : "Je suis une connaissance disons..." A la fin de ma phrase j'enlevai le sinistre capuchon qui me cachait à la face du monde.

Isabella Bones se rassit immédiatement sur son siège, un peu secoué ; visiblement, elle m'avait connu. Elle m'avait croisé dans des recoins de Poudlard, sans me prêter attention, je n'étais qu'un élève comme les autres, qu'un Serdaigle comme les autres. Visiblement, elle m'avais vu dans la Grande Salle, ce jour pluvieux où le professeur Dumbledore nous avait convié. Visiblement, la demi-vampire m'avais boservé de temps en temps pendant les matchs de Quidditch. Visiblement, j'étais Alexandre McFitz...

Je repris mon sourire carnassier et je lui demandai calmement et avec assurance "Autre question ma chère ?"

Un flot impétueux de rage déferla en moi, brisant ma raison. Elle avait prononcé les paroles qu'il ne fallait pas prononcer... Comment osait-elle ? Comment osait-elle meurtrir mon cœur une fois de plus. Pourquoi ? Pourquoi avait-elle anéanti le peu de sentiment de bien être qui résidait en moi ? J'avais fais mon possible pour effacer cette femme de ma vie, mais son souvenir revint au galop : un beau visage d'ivoire, une cascade d'or, et un rire discret, si mélodieux, si cristallin. Je revis ses yeux qui pétillaient d'excitation avant un match de Quidditch...

Je ne pouvais plus. De rage, je brisai le fauteuil près de moi. Il se détruisit en plusieurs morceaux qui volèrent en éclat. Solik, se réfugia vers Lily-Ann qui resta de marbre. "Ne prononcez plus son nom !" Hurlai-je à la demi-vampire. Puis, plus bas : "Je la tuerais pour ce qu'elle m'a fait..." Je repris mon calme puis clama haut et fort : "Je la tuerais !" En une fraction de seconde, j'avertis mes compagnons qui transplanèrent immédiatement. Tout aussi rapidement, je jetai un sort sur la charpente qui s'écroula. Je partis, laissant Isabella Bones seul avec cette situation...

Bella resta de marbre pendant qu'il agissait sans réfléchir. Elle n'aurait pas du dire cela, n'aurait pas du tout du évoquer Sara. en plus, elle ne l'appréciait pas particulièrement. Au contraire, la jeune femme était une personne parmi d'autres, rien de plus. Bella se leva lorsqu'il fit éclater son fauteuil en mille morceaux mais ne fit rien. Elle pouvait transplaner, mais décida de partir en dernier. Elle fixa une dernière fois l'Ombre. Sachant mieux que personne ce qu'Alexandre ressentait en ce moment même. Une envie de vengeance incontrôlable. Dominatrice. Trop de haine, de violence. Un chagrin déchirant, une peine incomparable. Puis des larmes discrètes se mirent à couler sur ses joues, avant qu'elle ne tranplane, laissant le bâtiment crasseux s'effondrer derrière elle. Elle rangea précipitamment sa baguette et soupira. La vie de certaines personnes n'était pas plus rose que la sienne. Décidée une fois de plus à ne pas se remémorer ce qui avait failli la plonger dans la dépression, elle essuya les larmes qui ruisselaient toujours et transplana une deuxième fois pour se rendre chez elle, soudainement exténuée...

[FIN]